« Monsieur le curé, venez voir, il y a des peintures sur les murs ! »  Le curé suivi du maire grimpèrent à l’échelle et pénétrèrent l’un derrière l’autre dans la petite pièce. Genoux à terre car on ne pouvait y tenir debout, ils regardaient incrédules cette merveille oubliée. La couleur en était passée, usée par le temps, on aurait dit une de ces photos anciennes dont le sépia d’origine serait devenu vaguement jaunâ­tre, ou une aquarelle laissée trop longtemps au soleil derrière une fenêtre ; dans la maigre lu­mière de la baladeuse, ils distinguaient mal les détails ; on devinait cependant plusieurs person­nages, certains le bras levé tenant des épées brandies au-dessus d’un autre tombé au sol qui protégeait de son bras sa tête qu’on imaginait à peine, mangée par le salpêtre.

        «  Il y en a encore une autre par ici !»

Le jeune homme était passé de l’autre côté et les appelait. Deux adjoints se précipitèrent. C’est ainsi qu’on découvrit ces fresques pâlies mais toujours bien identi­fiables, dont on avait sinon toujours ignoré du moins depuis fort long­temps oublié l’existence, et dans lesquelles un expert reconnut quelques jours plus tard dans la pièce au-dessus du porche la repré­sen­ta­tion fidèle de l’assassinat de Thomas Becket, l’ar­chevêque de Canterbury qui s’opposait à son Roi Henri II, et au-dessus des fonts baptis­maux le martyr de Saint-Hélier, évêque décapité au VIème siècle et saint patron de l’Île de Jersey ; il estima que ces peintures dataient vraisem­bla­blement de l’épo­que même de la construc­tion de l’église.

Il fut décidé pour les sauve­garder de poser des portes qui resteraient fermées sauf pour les spécialistes, l’enduit du XIIIème siècle resté au sec et à l’obscurité pendant si longtemps ris­quant de se détériorer très rapidement.

 

Pourquoi a-t-on peint ces fresques à cet endroit, hors des regards, dans ces soupentes scellées ?

Personne n’a trouvé, ni vraiment cherché, les réponses à ces questions.

Et pourtant…

 

29 décembre 1170 :

…Toute cette folie meurtrière n’avait duré que quelques minutes, qu’Amaury avait vécues les yeux écarquillés comme dans un cauchemar ; il tremblait de tous ses membres, enfant effrayé par la fureur des hommes. C’est alors que l’écuyer aperçut la petite mitre en soie rouge moirée.

Sans plus réfléchir, l’enfant la ramassa comme on cueille une fleur et s’enfuit par une porte latérale.

La neige qui s’était mise à tomber le surprit ; il courut droit devant lui...

 

Michel LEBONNOIS

Juin 2007